Dossier
Technique N¡7
Mai 1998
Introduction
ˆ la colorimŽtrie (1re partie)
La
colorimŽtrie est ˆ la base de tous les systmes de reproduction d'images
existant tels que le film et la vidŽo et probablement des systmes futurs. Elle
permet de qualifier d'une manire scientifique et rigoureuse la perception des
couleurs. C'est le passage obligŽ entre le monde artistique de la crŽation des
images et le spectateur, ds que celui-ci accde ˆ l'oeuvre par un moyen
technique de diffusion ou de reproduction.
La plupart
des travaux scientifiques de normalisation ont ŽtŽ menŽs par la CIE (Commission
Internationale de l'Eclairage). C'est une organisation indŽpendante dŽdiŽe ˆ
l'Žtude de la lumire et de l'Žclairage. Ces recommandations font autoritŽ en
la matire et la CIE est reconnue par l'ISO (International Standard
Organisation)
comme un
organisme international de standardisation.
Ce dossier,
rŽalisŽ avec la collaboration de Franois Helt et Bernard Tichit, est la
synthse de la documentation rŽunie au sein du Groupe de Travail CST
"SensitomŽtrie et Traitement NumŽrique" et notamment
des exposŽs
de Jean-Fabien Dupont (Kodak) et Wilfrid Meffre (Theta Scan). Il a pour but de
prŽsenter les notions de base de la colorimŽtrie.
L'oeil est
sensible aux radiations lumineuses dont la longueur d'onde est comprise entre
380 nm et 780 nm.
La figure 1
montre la courbe de sensibilitŽ de l'oeil telle quelle a ŽtŽ normalisŽe par la
CIE.
Figure 1
Physiquement,
mesurer une couleur, consiste ˆ dŽterminer ˆ l'aide d'un spectrophotomtre le
niveau d'Žnergie rayonnŽe pour chaque longueur d'onde du spectre visible.
En pratique, 32 mesures, soit une tous
les 10 nm, sont suffisantes pour obtenir le spectre d'un rayonnement
lumineux. Toute la difficultŽ consiste ˆ trouver l'Žquivalence entre le spectre
que l'on a mesurŽ et la sensation colorŽe qu'il provoque chez l'observateur. Un
calcul rapide montre
que l'on
peut mesurer 1064 spectres diffŽrents (32 mesures sur une Žchelle de 100
niveaux, soit 10032 = 1064).
C'est
Žvidemment bien supŽrieur au nombre de couleurs que l'oeil peut distinguer. En
considŽrant que l'on peut distinguer un milliard de couleurs (ˆ vŽrifier), il
reste 1055 spectres possibles pour produire chacune de ces impressions
colorŽes.
Si on
considre la vision, la rŽtine comporte quatre types de cellule. Les b‰tonnets qui
sont sensibles aux trs faibles lumires et trois types de c™nes sensibles
principalement au rouge au vert et au bleu, si la quantitŽ de lumire est
suffisante.
L'oeil a
donc deux fonctionnements diffŽrents selon la luminositŽ.
La vision
dite Scotopique, nocturne, dŽnuŽe d'impression colorŽe puisqu'un seul type de
cellule rŽagi aux stimulus.
La vision
Photopique, diurne, o les trois types de c™ne rŽagissent au stimulus et sont ˆ
l'origine de l'impression colorŽe.
Figure 2 :
SensibilitŽ ˆ l'Žclairement des c™nes et des b‰tonnets.
Figure
3 : SensibilitŽ spectrale des c™nes.
Il est
intŽressant de remarquer que si les c™nes sensibles au bleu ont une courbe
spectrale bien distincte des autres, pour le rouge et le vert il y a un tel
recouvrement qu'il est impossible de les exciter sŽparŽment.
Ce
recouvrement contribue largement ˆ notre sensibilitŽ ˆ la couleur. En effet, ˆ
partir du moment o une seule famille de c™nes rŽpond aux stimuli, comme c'est
le cas aux extrŽmitŽs du spectre visible, il n'est plus possible de percevoir
de diffŽrence de couleur.
La nature trichromatique de la
sensation colorŽe et la synthse additive
Le
paragraphe prŽcŽdent montre que la sensation colorŽe, qui intuitivement
comporte trois caractŽristiques, LuminositŽ, Teinte et Saturation, peut tre
exprimŽe mathŽmatiquement par seulement trois valeurs puisque l'Ïil ne comporte
que trois types de photorŽcepteurs. La vision colorŽe est par nature
trichromatique.
La
reproduction d'une couleur ne va donc pas s'attacher ˆ reproduire un spectre
lumineux identique en tous points ˆ celui d'origine mais ˆ utiliser trois
sources primaires, en gŽnŽral rouge verte et bleue, qui vont produire sur
l'oeil, les trois mmes stimuli que la couleur d'origine, c'est la synthse
additive, voir la figure 4.
La quantitŽ de chaque primaire,
nŽcessaire pour Žgaliser, c'est ˆ dire obtenir l'Žquivalent d'une sensation
colorŽe donnŽe, peut servir de mesure pour la qualifier.
L'ensemble
des spectres diffŽrents qui sont reprŽsentŽs par les mmes quantitŽs de
primaire sont appelŽs mŽtamres.
Attention,
deux mŽtamres qui paraissent identiques sous un Žclairage donnŽ appara”tront
diffŽrents si les conditions d'observation changent (voir plus loin le ¤
TempŽrature de couleur).
Figure
4 : Equivalence visuelle entre une source lumineuse et le mŽlange de trois
primaires
Ces lois
fondamentales rŽsument les propriŽtŽs de la synthse additive et permettent de
nombreux calculs colorimŽtriques.
Elles sont
les suivantes :
Trois
variables indŽpendantes sont nŽcessaires pour spŽcifier une couleur,
Pour
un mŽlange additif de stimuli couleurs, seules les valeurs des primaires sont ˆ
considŽrer, pas les compositions spectrales,
Dans un mŽlange additif de
stimuli, si un ou plusieurs composants sont graduellement changŽs, les valeurs
rŽsultantes des primaires changent aussi graduellement.
Une
propriŽtŽ importante de la vision, dŽcrite par l'expŽrience suivante, dŽcoule
de ces lois :
Prenons une
couleur C1 qui a pour Žquivalent visuel le mŽlange des trois primaires dans les
quantitŽs R1, V1 et B1, et une couleur C2 Žquivalente ˆ la synthse R2, V2 et
B2. La somme des deux flux lumineux C1+ C2 a pour Žquivalent visuel la somme
des composantes soit R1 + R2, V1 + V2 et B1 + B2. Ce phŽnomne est connu sous
le nom de loi de Grassmann.
La couleur
des objets est fortement influencŽe par la lumire qui les Žclaire. Cela impose
de qualifier les sources de lumire utilisŽes si on veut pouvoir comparer des
Žchantillons colorŽs. En gŽnŽral, la lumire artificielle est produite en
chauffant un filament mŽtallique.
Plus la tempŽrature augmente, plus
l'activitŽ molŽculaire augmente,
produisant
une Žmission ŽlectromagnŽtique de plus en plus puissante. Le physicien
allemand, Max Planck, a dŽmontrŽ que le spectre lumineux Žmis par un corps noir
parfait, totalement absorbant, dŽpend uniquement de sa tempŽrature. La figure 5
montre les spectres obtenus pour diffŽrentes tempŽratures du corps noir,
exprimŽes en degrŽ Kelvin.
Figure 5
Cela permet
de qualifier une source de lumire par la tempŽrature du corps noir produisant
un rayonnement Žquivalent. Dans le cas des lampes ˆ incandescence,
l'Žquivalence est trs facile ˆ trouver, car le spectre d'un filament est trs
proche de celui du corps noir.
Pour les sources qui utilisent une
dŽcharge Žlectrique dans un gaz, comme les tubes fluorescents, le spectre
comporte des raies importantes et la corrŽlation avec l'Žmission du corps
noir est
presque impossible ˆ trouver. Dans ce cas, on donne une tempŽrature de couleur
indicative qui correspond ˆ une sensation Žquivalente pour l'oeil.
La lumire
du jour constitue un cas particulier, en effet elle varie ŽnormŽment en
fonction de l'heure et des conditions climatiques. La rŽpartition spectrale de
la lumire solaire, une fois filtrŽe par l'atmosphre, est trs diffŽrente du
rayonnement du corps noir
La CIE a
normalisŽ plusieurs illuminants qui ne sont pas des sources de lumire rŽelles
mais des courbes de rayonnement spectral, en voici quelques uns : (voir la
figure 6).
Illuminant
A : La lumire du corps noir ˆ 2856 ¡K.
Illuminant
C : Lumire du jour moyen avec une tempŽrature de couleur Žquivalente ˆ
6774 ¡K environ.
Illuminant
D65 : ReprŽsente un Žtat de la lumire du jour avec une tempŽrature de
couleur Žquivalente ˆ 6504 ¡K environ. C'est l'illuminant de rŽfŽrence de
la vidŽo.
Figure 6
Dans
certains cas, on peut utiliser le concept de l'illuminant d'Žgale Žnergie E,
qui prŽsente un spectre d'Žmission plat, mme niveau ˆ toutes les longueurs
d'ondes.
Pour
l'illuminant A, il existe une source rŽelle ayant le spectre normalisŽ mais
pour le D65 la CIE n'a trouvŽ ˆ ce jour aucune source correspondante.
Dans la
2me partie nous Žvoquerons l'Observateur de RŽfŽrence de la CIE qui dŽfinit le
comportement moyen de
l'oeil,
ainsi que les principaux espaces gŽomŽtriques de reprŽsentation des couleurs.
En
attendant, ou pour en savoir plus, voici une liste d'ouvrage sur le
sujet :
Bibliographie (consultable ˆ la CST) :
Norme CIE/ISO 10527 : Observateur de rŽfŽrence colorimŽtrique CIE
CIE : Technical Report - Colorimetry second edition
Charles Poynton :
A Technical Introduction to Digital Video
Wide Gammut Device-Independent Colour Image Interchange
Frequently asked question about Colour
Siggraph 97 : Course Notes - Scanning and Recording of motion
Picture Film
IBA : Technical Review - Light and Colour Principles
NAB 95 : Pixels, Pictures and Perception
A. PouyferriŽ : ORTF, Service des Etudes - ColorimŽtrie
L. Goussot : Ecole SupŽrieure d'ElectricitŽ - PhotomŽtrie et
ColorimŽtrie
Charles Poynton : Color technology, Color links
RŽdaction :
Matthieu Sintas
©1998, Commission SupŽrieure Technique de l'Image et du Son